Le prix de meilleur acteur a été décerné conjointement à Joaquin Phoenix et Philip Seymour Hoffman, protagonistes de «The Master».
En primant Pietà du cinéaste coréen Kim Ki Duk, le jury de la 69e Mostra de Venise, présidé par Michael Mann, a choisi un lion d'or féroce, rugissant de douleur et de cruauté, sinistre comme notre époque. Le héros est un garçon sauvage, sans aucun lien ni sentiment humain, qui survit dans une banlieue de Séoul en mutilant sadiquement de pauvres gens, pour le compte d'escrocs aux assurances. Un jour paraît dans sa vie une femme inconnue qui se prétend sa mère, qui dit se repentir de l'avoir abandonné, enfant, et ne le quitte plus. Kim Ki Duk, que le spectacle de ce monde asservi à l'argent a profondément déprimé, dit s'être inspiré de la Pietà de Michel-Ange pour composer ce chemin de croix qui fait passer par des stations d'une violence inouïe. Faut-il vraiment ces scènes atroces pour réveiller les consciences du cynisme ambiant? On peut préférer Michel-Ange. Ou Terrence Malick, qui en est plus proche, mais que le palmarès a oublié.
Avec le prix de la mise en scène et un double prix d'interprétation pour l'excellent tandem Philip Seymour Hoffman et Joaquin Phoenix, The Master de Paul Thomas Anderson, évocation indirecte de Ron Hubbard, fondateur de la Scientologie , est l'autre grand vainqueur de la Mostra 2012. A juste titre. La mise en scène fluide, liquide, rend compte avec une élégance ironique de la relation de séduction et d'emprise réciproque, puissante et versatile, qui unit le Maître et son disciple. Et il est judicieux de ne pas dissocier ce couple siamois étrangement soudé.
Le prix du scénario qui revient à Olivier Assayas pour Après mai est tout aussi mérité. Cette fresque autobiographique autour d'adolescents des années 70 unit avec une belle intelligence d'écriture la peinture d'époque et la trajectoire intime d'un groupe de copains, parmi lesquels Gilles, double du cinéaste. L'effervescence politique et l'ambiance de la contre-culture gauchiste sont rappelées avec une précision très choisie, et Assayas pose sur la confusion et le trouble du moment un regard d'une lucidité toute classique.
Réf : lefigaro.fr